Música : Aníbal Troilo – Letra : Homero Manzi .
Versión : Orquesta Aníbal Troilo Cantor : Floreal Ruiz
Traduction : Michel Brégeon
Primero la cita lejana de abril, | D’abord le lointain rendez-vous d’avril |
tu oscuro balcón, tu antiguo jardín. | Ton balcon obscur, ton antique jardin. |
Más tarde las cartas de pulso febril | Ensuite les lettres écrites d’une main fébrile |
mintiendo que no, jurando que sí. | Qui disaient non, jurant que oui. |
Romance de barrio tu amor y mi amor. | Romance de quartier ton amour et mon amour. |
Primero un querer, después un dolor, | D’abord l’amour, ensuite la douleur, |
por culpas que nunca tuvimos, | Pour des fautes jamais commises |
por culpas que debimos sufrir los dos. | Pour des fautes que nous devons supporter tous les deux. |
Hoy vivirás | Maintenant, tu vivras en me méprisant, |
despreciándome, tal vez sin soñar | Peut-être sans savoir que je déplore, |
que lamento al no poderte tener | Ne pouvant t’avoir avec moi, |
el dolor de no saber olvidar. | La douleur de ne savoir oublier. |
Hoy estarás | Maintenant, tu vivras |
como nunca lejos mío, | Comme jamais, loin de moi |
lejos de tanto llorar. | Loin de tant de pleurs. |
Fue porque sí, | Ce fut comme cela |
que el despecho te cegó como a mí, | Que le dépit t’a aveuglé comme moi |
sin mirar que en el rencor del adiós | Sans voir que dans la rancœur de l’adieu |
castigabas con crueldad tu corazón. | Tu punissais cruellement ton cœur. |
Fue porque sí | Ce fut comme cela |
que de pronto no supimos pensar, | Que soudain, nous crûmes |
que es más fácil renegar y partir | Qu’il est plus facile de renoncer et de partir |
que vivir sin olvidar. | Que vivre sans oublier. |
Retornan vencidas tu voz y mi voz | Elles reviennent vaincues, ta voix et ma voix |
trayendo al volver con tonos de horror, | Apportant avec effroi |
las culpas que nunca tuvimos | Les fautes jamais commises |
las culpas que debimos pagar los dos. | Les fautes que nous dûmes payer tous les deux. |
Version 1947 : orchestre : Aníbal Troilo – Chant : Floreal Ruiz
Pour en savoir plus sur le tango du mois
(Contribution de Jean-Marie Duprez)
« Romance de Barrio » est une valse créée en 1947 par Aníbal Troilo sur un poème composé par Homero Manzi. L’arrangement musical est dû à Argentino Galvan, et le chanteur est Floreal Ruiz qui a intégré l’orchestre de Troilo en 1944 succédant à Fiorentino.
La valse est construite sur la base de deux sections qui se répètent. L’orchestre joue d’abord les deux sections sans le chanteur, puis celles-ci sont répétées mais cette fois avec le chant. Une dernière section (reprise de la mélodie de la première) commence par un magnifique solo de bandonéon de 15″ joué par Troilo (à partir de 2’02 »), puis le chanteur et l’orchestre concluent ensemble la valse. Au total, les cinq sections de la valse durent 5×30″ soit à peu près 2’30 ».
Chaque section est, de façon classique, composée de 4 phrases de 8 mesures, la première étant répétée en troisième position. Si la première section est relativement calme, on notera que la seconde donne le sentiment d’une nette accélération. C’est particulièrement sensible quand le chanteur intervient.
Les mots de la deuxième section (à partir de « Hoy viviras », à 1’30 ») sont chantés sur des croches, alors que dans la section A ce sont les noires et noires pointées qui sont privilégiées. D’où la sensation d’un débit plus rapide alors que le tempo de la valse n’a pas changé. Ce peut être là une indication pour le danseur pour changer le rythme qu’il impulse à sa danse, avant de revenir à une allure plus paisible.
La musique de « Romance de Barrio » est composée sur l’un des plus beaux poèmes d’Homero Manzi. Il raconte l’histoire d’un amour de jeunesse qui n’a pas fonctionné. Pour autant, et c’est un peu exceptionnel en tango, personne n’est désigné comme fautif ou coupable. Comme le souligne la fin de la seconde strophe: « Por culpas que nunca tuvimos, Por culpas que debimos sufrir los dos » (Pour des fautes jamais commises, Pour des fautes que nous devons supporter tous les deux).
Cette valse de Troilo n’a pas été reprise par d’autres orchestres pendant 20 ans, si on excepte -en 1951-, un enregistrement de Piazzolla avec comme chanteuse María de la Fuente (totalement desservi par une gravure passablement déficiente qui rend cette version peu utilisable). A partir de 1969, on trouve de nombreuses versions chantées ou instrumentales.
Parmi les versions particulièrement dansables on peut citer celle des orchestres Sexteto Milonguero, Silencio, Quinteto Real, The Alex Krebs Tango Sextet, etc.
Parmi les belles interprétations (plus chantées que dansables) on peut conseiller celles de Roberto Goyeneche accompagné par l’orquestre Baffa-Berlingieri (https://www.youtube.com/watch?v=0qK0jp7VFh0) et celle de Lidia Borda accompagné par Daniel Godfrid (https://www.youtube.com/watch?v=kWrIxNLn1Fo).
Parmi les nombreuses interprétations dansées, la version de Marianna Koutandou & Vaggelis Hatzopoulos, sur la version du Sexteto Milonguero (https://www.youtube.com/watch?v=alkrHaac-Ac) rend bien compte des variations rythmiques de cette valse.