Une tanda ! Pas trois !

Un soir de milonga, 23 décembre, Pleuven, il m’invite, je ne l’ai jamais vu auparavant. Un peu ventripotent, et au regard d’en savoir plus et davantage sur le tango, je me réjouis déjà et me cale timidement dans ses bras. Je mise sur ma robe, une Rodier des années 80, pour défendre mon élégance, faute de confiance en ma technique.

Nos bras droits se lèvent, dessinent l’avant d’un bateau prêt à voguer sur les flots ! 

Mais avant d’avoir levé l’ancre, ce beau capitaine me rétorque « votre bras est triste, je ne vous corrige pas, il y aurait trop à dire ! ». 

Et c’est ainsi que tristement, muette comme un maquereau mort, je me laisse traîner pendant trois tandas.

Seule, au retour dans ma voiture, la Rodier en boule au fond du sac, un éclat de rire effroyable, criard, recouvre le son de la radio. C’est mon rire, salvateur. Le maquereau a retrouvé sa voix.

Au petit matin, un premier dessin, puis un autre et encore… les vannes s’ouvrent. Depuis, un long cheminement intérieur m’accompagne dans le monde du tango et de la femme que je suis, changeante. Le grotesque me sauve, le tango me sauve. Et où qu’il aille, le maquereau brille au soleil couchant ! …

Muriel LOUETTE